Qui devrait gagner le Vendée Globe ?
Pour la première fois depuis la création de l’épreuve, le marin qui passera la ligne en premier ne remportera peut être pas le Vendée Globe. Comment est-ce possible ? Suite au naufrage de PRB, certains coureurs se sont déroutés et bénéficient donc d’une compensation en temps. Ces compensations seront appliquées à l’arrivée suite à une décision de la direction de la course, comme prévu dans les règles de l’épreuve.
Cette situation nous donne l'occasion de nous interroger sur la performance. Dans ce cas précis du Vendée Globe, la performance est donc mesurée selon certaines règles du jeu, ici l'obligation de secourir un concurrent en détresse. La performance peut donc être "pondérée".
Rien d’exceptionnel me direz-vous. Dans cette situation, effectivement, il n'y a rien d'exceptionnel (si ce n'est le sauvetage par Jean le Cam, qui était loin d'être évident). Nous pourrions même aller plus loin en pensant que n'importe quel marin, n'importe quel homme, se serait arrêté pour sauver Kevin Escoffier (PRB), avec ou sans règle, avec ou sans obligation de le faire. C'est de l'ordre de l'assistance à personne à danger. Ni plus ni moins.
Ce qui est intéressant, c'est qu'il y ait une forme de compensation pour ce sauvetage alors qu'il ne dit rien de la performance pure des marins qui y ont participé. Ce qui est intéressant aussi, c'est que les règles du "jeu" ou les règles de la performance que nous acceptons en disent beaucoup sur notre éthique et ce que nous valorisons individuellement et collectivement. Transposons la situation dans nos entreprises. Imaginons que vous touchiez une prime de "performance" parce que vous vous arrêtez pour aider quelqu'un dans votre quotidien. Imaginez que l’État récompense les entreprises qui alloue une partie de leur performance à des causes spécifiques.
Finalement, ce qui est intéressant, c'est que nous pouvons choisir les règles du jeu que nous souhaitons appliquer, en tant que personne, en tant que consommateur, en tant que travailleur, en tant que famille, en tant qu'entreprise, en tant que société...
Dans un autre domaine, celui des élections, cette vidéo montre que selon les règles du jeu, le résultat peut être différent.
Troublant ! Il faut donc a minima avoir conscience des règles du jeu et pourquoi pas, participer à les choisir !
Le Vendée Globe symbole de la performance dans le "monde d'après" ?
En y regardant de plus près, ce Vendée Globe a quelque chose de symbolique. Tout comme le capitalisme s'est imposé comme unique modèle de performance pour les entreprises depuis la chute du mur, le Vendée Globe, créé en 1989, était une course comme les autres où l'unique performance était le classement à l'arrivée. Et puis Jean Le Cam ! Combien de titres de journaux titraient "Jean Le Cam grand gagnant du Vendée Globe et chouchou du public" avant même la fin de la course et suite au sauvetage de PRB. L’histoire est belle, il y aurait donc autre chose qui compte que le classement. Au sens propre donc, puisque au-delà de ce geste purement humain, ce geste est crédité dans le système de performance de la course.
Quand on y pense, c'est un choix fort de valoriser les vies humaines dans la performance d'une course. Creusons ce point. Sam Davies a officiellement abandonné la course mais continue son "Vendée Globe" sur Initiative Cœur pour sauver des vies et opérer des enfants victimes de malformations cardiaques. Ne devrait-elle pas être considérée comme la gagnante du Vendée Globe ? Pourquoi Thomas Ruyant, qui grâce à son sponsor Advens permet à des exclus de trouver un travail, ne serait-il pas déclaré grand vainqueur de la course en cette période de crise économique ? Que dire de Damien Seguin qui fait une course remarquable sans être sur un pied d'égalité avec les autres concurrents puisqu'il navigue avec une main en moins ? Devrait-on le considérer comme le gagnant le plus incroyable et résilient ?
Ce Vendée Globe le prouve, la performance dépend des critères et des règles que l'on considère. Ce Vendée Globe le montre, juger la performance selon un critère unique n'a plus de sens. Ce Vendée Globe rebat les cartes dans un monde où chacun peut choisir ses objectifs et donc la performance qu'il valorise.
Il y a quatre ans, suite à la victoire d'Armel le Cléach, je posai cette question : Et vous, quel est votre Vendée Globe ? L'idée était simplement de dire que nous pouvions tous choisir un projet, un objectif pour les 4 années à venir. Je ne mesurais pas, à l'époque, que le fait de choisir un objectif ou un projet peut en dire long sur la performance que nous souhaitons valoriser, sur le rôle que nous entendons jouer. Voulez-vous être un vainqueur de Vendée Globe ou décider de concourir pour sauver des enfants, aider des personnes à trouver un emploi ou promouvoir l'inclusion ?
La question peut paraître naïve et vous pouvez vous sentir jugé. Ce que je crois profondément, c'est qu'aujourd'hui la question est posée, c'est comme cela. Chacun d'entre nous a donc la responsabilité d'y apporter une réponse. Lorsque la question n'était pas posée et que la norme était le capitalisme et la liberté de consommer, il n'y avait pas de sujet. Aujourd'hui, nous devons individuellement et collectivement tenter de répondre à cette question par nos choix. Quelle Europe voulons-nous ? Quelle société française voulons-nous façonner ? Quel consommateur voulons nous être ? Quel travailleur sommes-nous et avec quelles règles de performance ?
Je reprends l'exemple d'Advens pour apporter des éléments de réponses en exemples. Offrir le nom de son bateau à une association, c'est déjà énorme ! Mais la démarche ne s'arrête pas la : Advens promeut l'inclusion et la diversité dans le secteur de la cybersécurité où ils ont de la peine à recruter. Ils expliquent que cela peut être une force pour lutter contre les attaques dont sont victimes leurs clients. 10% des collaborateurs se sont engagés individuellement pour accompagner plusieurs heures par mois les personnes exclues à la recherche d'un emploi. Ce partenariat avec Thomas Ruyant et Linkedout prend tout son sens et est cohérent à plusieurs niveaux de l'organisation !
Voilà la question à laquelle nous devons répondre : au service de quoi et de qui voulons-nous mettre notre performance individuelle et collective ?
Le PIB, le Chiffre d'Affaire, la rentabilité et nos salaires sont l'équivalent du temps de course des concurrents du Vendée Globe : un critère de performance qui ne doit plus être le seul.
Que dire de ceux et celles qui abandonnent, ne valent-ils rien ?
Ma conviction est qu'en redéfinissant nos critères de performance individuels et collectifs, nous seront créateurs de joie, d’espérance, de confiance et de...performance utile. Chacun à notre place, celle que nous aurons consciemment choisis. Pour les organisations, cela revient à définir votre mission, au service de quoi et de qui souhaitez-vous mettre votre performance économique et devenir une entreprise à mission ? Et pourquoi pas mettre en place une comptabilité en triple capital, qui prend en compte la performance économique, humaine et environnementale ?
"Le monde d'avant" nous invitait à répondre à la question "Et vous, quel est votre Vendée Globe ?" et à y performer en tant que chef de projet. Le "monde d'après" nous invite à prendre position et aimer l'autre, ce que l'on pourrait résumer à : "Et vous, quels sont vos Kevin Escoffier ?". Et pour vous, qui sera le gagnant ou la gagnante du Vendée Globe ?
Chez Fly The Nest, notre raison d'être est d'accompagner la réalisation des visions individuelles et collectives en accord avec leur environnement. Nous accompagnons chaque personne et chaque organisation afin de définir collectivement son cadre de jeu (sa raison d'être et sa vision) ainsi que ses règles du jeu (ses valeurs) pour ensuite performer de façon efficace et fluide.